jeudi 17 septembre 2015

Les gens dans l'enveloppe d'Isabelle Monnin



Date de parution : septembre 2015 chez J.C. Lattes
Nombre de pages : 379

Très beau livre sur la nostalgie du passé.
Isabelle Monnin a utilisé un procédé très original, sans doute inédit, pour écrire ce livre.
Elle nous offre en fait de 2 livres en un, le tout accompagné de surcroit  d'un CD.
Tout commence par l'achat qu'elle fait sur internet, pour 10€, de 250 photos de famille. L'idée lui vient d'imaginer la vie de ces gens qu'elle voit sur ces photos, ces gens dans l'enveloppe,  mais aussi, une fois la fiction terminée, de les retrouver et de recueillir leur histoire.
Elle fait le contrat avec elle-même de ne rien modifier à son roman une fois qu'elle aura découvert leur véritable histoire.
Son ami Alex Beaupin, auteur-compositeur-interprète, lui propose de composer un CD de chansons qui ont accompagné la vraie vie des Gens dans l'enveloppe.

Les photos qu'elle décortique minutieusement lui inspirent une histoire d'abandon.
Nous sommes à la fin des années 70 dans l'Est de la France.
L'auteur traduit avec des mots très émouvants l'attente d'une petite fille de 8 ans, Laurence, dont la mère est partie en Argentine sans un mot, la laissant seule avec son père Serge, homme triste qui se réfugie dans l'alcool. Elle attend sa mère jour et nuit, demande un répondeur comme cadeau de Noël pour que sa mère puisse y laisser un message au cas où...  Laurence écrit des poèmes pour survivre.

Isabelle Monnin imagine sa mère, Michelle, habitée d'une envie d'ailleurs. C'est une femme qui "étouffe dans l'immuable". Le seul moment où elle se sent vivre, c'est lorsqu'elle coupe les virages en mobylette au mépris de tout danger. Elle refuse son destin de paysanne ou d'ouvrière en métallurgie et part en Argentine suivre son amant. Mais à cette époque, c'est la dictature qui règne en Argentine, la terreur et la torture sévissent...
Isabelle Monnin décrit  un monde où on ne se parle pas et où la solitude est absolue.
Cette fiction est écrite d'une très jolie écriture poétique.

Dans la deuxième partie du livre, l'auteur nous raconte l'origine du livre, comment se sont dessinés peu à peu les contours de son roman où il y aura "un fleuve et des femmes. Des hommes aussi, mais à côté, un peu derrière"
Puis elle raconte l'enquête qu'elle a menée pour retrouver les Gens dans une région située par hasard à une soixantaine de kms de sa région d'origine en Franche Comté. Elle quitte alors le style poétique pour adopter un ton journalistique. Cette enquête qui la plonge dans des souvenirs de sa propre enfance, avec en arrière plan l'ombre de sa sœur décédée, est vivante et pleine de suspens.
La vie de cette famille qu’elle va découvrir n'est pas banale, mais ne dit-elle pas que " Toute vie humaine est intéressante" et l'auteur va relever plus d'un point commun entre la réalité et sa fiction. Elle sera surprise de s'apercevoir que le personnage principal de l'enquête n'est pas Laurence comme elle le croyait mais son père Michel, l'enfant plusieurs fois abandonné.
Il est émouvant de voir les réactions des membres de la famille face à la démarche de l'auteur et de voir se tisser de solides liens d'amitié entre eux.
Cette famille a vraiment eu beaucoup de chance de voir son histoire imaginée puis écrite par cet auteur.
On sent au travers de la démarche d’Isabelle Monnin le souci de conserver la mémoire de ce qui fut, la nostalgie de ce qui a été vécu.

Livre impossible à lâcher que je conseille vivement.



Citations
" Je ne lui parle pas de mes collections de moments, les moments pleins, les moments vides, les moments où je n'ai peur de rien, les moments sans penser et la plus fournie : la collection des moments d'ennui."

"C'est une idée fixe, bouger, qui a fini par ne plus être une idée mais la totalité de ce qu’elle est, une idée sans y penser, plus importante que le plus important, une idée fixe et une différence avec Serge, de celles qui se découvrent longtemps après que les mariages ont été fêtés, un fossé sans pont pour le traverser."

"Je vais les connaître, ils vont me faire confiance, ils me raconteront des choses, m'en cacheront d'autres, ils pleureront, ils riront, ils s'étonneront de me dire tout cela. Je sais pourtant que je n'accéderai pas à leur intérieur. Je n'aurai jamais que l'enveloppe des gens".

8ème contribution au Challenge 1% Rentrée Littéraire 2015. 1% atteint!

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