mardi 15 décembre 2015

Quand le diable sortit de la salle de bain de Sophie Divry



Date de parution : août 2015 chez Notabilia
Nombre de pages : 306


"Un roman improvisé, interruptif et pas sérieux"


J'avais beaucoup aimé le précédent roman de Sophie Divry "La condition pavillonnaire", une très juste photographie de la condition féminine, et j'ai eu la chance de rencontrer l'auteur au Marathon des mots de Toulouse en Juin 2015, Nathalie Richard y lisait des passages de ce livre en présence de Sophie Divry.
C'est un auteur extrêmement sympathique et à la personnalité bien affirmée. Elle nous a annoncé la sortie à la rentrée de "Quand le diable sortit de la salle de bain" en précisant qu'il serait complètement différent du précédent livre qu'elle avait rédigé sur un mode contraint et que cette fois l'écriture serait beaucoup plus libérée.
Elle ne nous avait pas menti!!! Ce livre est vraiment original, écrit hors de toute contrainte.

Sophie Divry dépeint les tribulations de Sophie, une chômeuse lyonnaise en fin de droits qui survit grâce aux minima sociaux. Elle réussit le tour de force de nous faire rire de tout, du chômage, de la précarité, de la faim, de la solitude, des préjugés, du racisme, de la bêtise ambiante... Elle s'amuse de tout et se lâche complètement en prenant toutes les libertés littéraires et en jouant avec le langage, elle invente des mots, dresse des listes interminables, fait parler les objets, prend à témoin le lecteur et fait apparaitre le diable...

Le ton est humoristique mais tout est terriblement bien observé, précis et  vrai : l'abrutissement dans les jeux sur l'ordinateur pour ne plus penser, les courses des pauvres au supermarché, les dialogues ubuesques avec la femme de pôle emploi et avec les assistantes sociales, les caricatures des étudiantes normaliennes privilégiées...
Certains passages sont tendres, d'autres délirants comme celui où elle liste ce qu’elle n'aime pas chez les hommes. Les personnages qui entourent Sophie, son meilleur ami Hector, sa mère et ses multiples frères sont tous savoureux et très bien observés.

Certainement en partie inspiré de ses propres galères, Sophie Divry nous livre un roman plein d'audace qu'elle qualifie  "d'objet littéraire non identifié" où "elle laisse libre cours à son imagination sans rien s'interdire"; pour ma part je l'ai trouvé inventif, déjanté, joyeux et truculent, il fait un bien fou.
Ce récit est déjanté certes, mais il est aussi beaucoup plus sérieux qu'il ne le parait car pour Sophie Divry, toute cette légèreté et cette dérision sont prétextes à aborder des sujets graves de notre société contemporaine comme la précarité et l'isolement. 


Citations
"Les riches ne comprennent pas pourquoi les pauvres font de mauvais choix; pourquoi certains viennent à s'alcooliser plutôt que de s'acheter de la viande avec de patientes économies. Mais les riches n'ont pas besoin de desserrer l'étau qui les étouffe. Leur problème à eux, c'est de se mettre des limites."

"Le fait que je me résigne à mon chômage, que je m’y installe durablement, avait éteint leur inquiétude au lieu de les aiguiser. Au fond, ma situation s’était normalisée. Rien de nouveau; donc, plus de danger. J’étais là comme ils m’avaient toujours vue. La même tête. La même voix. Seul un révélateur chimique d’une composition inconnue aurait pu rendre visible la faim qui le tenaillait. Ce que ma famille ignorait, c’est que le pire du chômage n’est jamais le début. Le pire, c’est l’installation dans cette idée, justement, que rien de nouveau n’arrivera plus…"


L'auteur


Sophie Divry est née en 1979 et vit à Lyon. Elle a travaillé comme  journaliste à La Décroissance avant de s'engager dans la politique lors des élections municipales de 2008 à Lyon.
Elle se consacre désormais à l'écriture.
Après "La Cote 400", traduit en cinq langues, "Journal d'un recommencement", et "La condition pavillonnaire", "Quand le diable sortit de la salle de bain"  est son quatrième roman.





26ème participation au Challenge 1% Rentrée Littéraire 2015








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