samedi 31 octobre 2015

La cache de Christophe Boltanski


 

Date de parution : août 2015 chez Stock
Nombre de pages : 344

Prix Fémina 2015

Une bien étrange tribu!
 
Christophe Boltanski, journaliste et grand reporter à l'Obs, s'est plongé dans ses souvenirs personnels et les anecdotes familiales pour reconstituer l'histoire de sa famille. Il est aussi parti en reportage auprès des membres de sa famille, il a également enquêté à Odessa que ses arrière-grands parents paternels ont fui.
On découvre une drôle de tribu nichée dans un hôtel particulier parisien. Il en ressort une formidable saga familiale.

Il dit avoir voulu comprendre d'où il vient, y voir clair dans son "bric-à-brac identitaire", avoir voulu lutter contre l'oubli.
Il retrace l'histoire d'une famille mais aussi d'une maison. Pour cela, il articule son récit autour des différentes parties de la maison bourgeoise de ses grands parents, un hôtel particulier rue de Grenelle. Des plans sont insérés avant chaque partie pour visualiser les lieux  sobrement nommés "cuisine", "escalier"... Dès les premières pages, l’originalité est au rendez-vous puisque la voiture des grands-parents, une Fiat 500, est considérée comme une extension de leur logement.

Ce livre est une  sorte de puzzle, le récit sans ordre chronologique, centré sur sa grand-mère paternelle nous fait parfois nous perdre entre les personnages de différentes générations mais j'ai aimé sa construction très originale.

C'est une famille pleine de mystères avec des personnages hauts en couleur. 
Le personnage central, Marie-Elise, la grand-mère paternelle de l'auteur, Mère-Grand, est écrivain, c'est le 7ème enfant d'une famille bourgeoise désargentée, confiée par ses parents à une marraine, Myriam. Myriam est une  romancière dont la foi catholique vire à la bigoterie, elle la renomme Myriam comme elle et en fera son unique héritière provoquant une scission avec sa famille naturelle qui l'envie alors qu'elle éprouve de la colère envers eux pour l'avoir abandonnée.

Atteinte de la polio à l'âge adulte, elle refuse de se voir comme une handicapée, rejette aide et pitié et règne en matriarche dans son hôtel particulier. 
Sous l'occupation, elle commence à écrire des textes la plupart du temps autobiographiques puis des "récits vérité sur des exclus, des oubliés comme elle".

Le grand-père est un médecin qui déteste le sang. Juif, il se convertit au catholicisme dans une volonté d'assimilation. Pendant la seconde guerre mondiale il simule sa fuite et reste caché 20 mois dans "l'entre-deux" de la maison, dans une minuscule cachette où il est contraint d'adopter une position agenouillée ou couché en chien de fusil; d’où le titre du roman qui évoque cet épisode. 

On croise aussi son oncle Christian, célèbre plasticien travaillant des boules de pâte à modeler, son père Luc, sociologue célèbre.

Une famille originale où l'on se déplace en tribu, "elle ne se déplaçait qu’entourée des siens, "mes enfants sont mes cannes disait-elle". L'objectif de Mére-Grand est de garder ses enfants auprès d'elle (trois fils et une fille), elle vit le départ de son fils Luc comme une trahison. Ils vivent dans  un microcosme, soudés, sans pour autant être fermés à toute vie sociale. Leur mode de fonctionnement surprend  mais Christophe Boltanski raconte sans jamais juger.

J'ai tout aimé dans ce livre... L'histoire fascinante de cette famille d'artistes, de sociologues et de romanciers, l'écriture claire, la construction très originale, la nostalgie qui en émane...
Les grands-parents sont très attachants, leurs parcours retracés avec précision.
Ce récit est passionnant du début à la fin, il se dévore.
Ce premier roman de Christophe Boltanski est un magnifique hommage à ses grands-parents, c'est incontestablement une belle réussite.



Citations
"Nous avions peur. De tout, de rien, des autres, de nous-mêmes. De la petite comme de la grande histoire. Des honnêtes gens qui, selon les circonstances, peuvent se muer en criminels. De la réversibilité de l'homme et de la vie. Du pire, car il est toujours sûr. Cette appréhension, ma famille me l'a transmise très tôt, presque à la naissance"

"Les enfants m'adoraient. Nous ne nous quittions pas une seconde, ils buvaient seulement la vie que je filtrais pour eux"

"En tout, elle présentait un double visage. A la fois propriétaire terrienne et communiste encartée, exclue et élue, adoptée et dotée, Mère-Grand et Grand Méchant Loup, handicapée et globe-trotteuse, impotente et omnipotente."  


L'auteur

Christophe Boltanski est né en 1962.
Entré en 1989 au journal Libération, il fut correspondant pendant presque dix ans pour le journal, d'abord à Jérusalem puis à Londres.
Il co-dirige ensuite le service étranger du journal jusqu'en 2007, avant de rejoindre Le Nouvel Observateur.
Il gagne en 2010 le prestigieux Prix Bayeux-Calvados des correspondants de guerre pour un reportage sur une mine au Congo : Les mineurs de l'enfer.





17ème contribution au Challenge 1% Rentrée Littéraire 2015

vendredi 30 octobre 2015

Mémé de Philippe Torreton

 
 

Date de parution :  janvier 2014 chez Iconoclaste Editions
Nombre de pages : 143

Ce livre est un petit bijou, c'est une proclamation d'amour de l'auteur, émouvante et pleine de tendresse pour sa mémé aujourd'hui décédée

L'auteur parsème son texte de remarques sur notre société de consommation et sa course effrénée au "progres" (vers le high-tech et la bouffe industrielle). Une société dont sa mémé n'a jamais fait partie, adepte qu'elle était du rafistolage, rapiéçage, recyclage ; une mémé modeste, économe mais aussi pleine de générosité, qui vivait en autarcie dans sa petite ferme en Normandie.

Torreton fait vivre le souvenir de sa  mémé à la fois unique et universelle, qui rappellera très certainement à chacun d'entre nous un peu la nôtre.

Moment de lecture émouvant, plein de tendresse et de souvenirs.


Citations
"Ma mémé, elle était silencieuse de mots mais bavarde en preuves d'amour."

"Je trouvais sa pierre tombale trop neuve.
Ça ne lui allait pas, il aurait fallu que sa tombe fût déjà mousseuse et licheneuse, une tombe à l'ancienne (...) Celle-ci était brillante, neuve, en marbre noir.
S'il ne tenait qu'à moi, je t'aurais mis de la brique, ou une grosse pierre de granit brut, ou rien, un champ, une motte de terre, pis, une croix, parce que faut ben mett'e un truc et c'est tout.
Non, en fait, j'aurais planté un arbre,
pour que ses racines te prennent et t'aspirent et te fassent monter dans ses feuilles, comme ça le vent t'aurait fait chanter enfin, librement, comme ça des petits auraient pu continuer à grimper sur toi pour voir plus loin, comme ça tu aurais pu encore nous indiquer les saisons qui passent, nous qui mangeons n'importe quoi n'importe quand..."

jeudi 29 octobre 2015

2084, la fin du monde de Boualem Sansal



Date de parution : aout 2015 chez Gallimard
Nombre de pages : 288

Grand prix du roman de l'Académie française 2015

Je me suis plongée dans ce roman car j'étais intriguée par l'engouement général pour ce livre retenu dans les sélections de plusieurs prix littéraires et parce que j'étais intéressée par le sujet.

Quelle déception!
L'auteur s'inspire du 1984 de George Orwell et y intègre une critique de l’islamisme actuel.
Le monde qu'il imagine est régi par une religion unique, Abi est le chef suprême de ce monde. Foi, obéissance et soumission constituent la devise des Abistanais. Dans cette société totalitaire, tout le monde est surveillé, la pensée unique règne, douter est interdit.

La langue est fouillée mais ardue, les réflexions sont profondes mais j'ai trouvé l'ensemble très ennuyeux, trop pénible à lire. Voilà un livre que je n'ai pas terminé ce qui est rare.

Dommage car je pense que la démarche de Boualem Sansal est courageuse .


Citations
"Pour des gens qui ne sont jamais sortis de leur peur, l’ailleurs est un abîme."

"Le plus grand savoir du monde plie devant le grain de poussière qui enraye la pensée." 

"La patience est l'autre nom de la foi, elle est le chemin et le but, tel était l'enseignement premier, au même titre que l'obéissance et la soumission, qui faisait le bon croyant."


L'auteur

Boualem Sansal, de nationalité algérienne, est né en 1949. Il vit près d'Alger. Il a fait des études d'ingénieur et a un doctorat en économie. Il était haut fonctionnaire au ministère de l'Industrie algérien jusqu'en 2003. Il a été limogé en raison de ses écrits et de ses prises de position.
Son premier roman,"Le serment des barbares", a reçu le prix du premier Roman 1999. Son livre "Poste restante", une lettre ouverte à ses compatriotes, est resté censuré dans son pays. Après la sortie de ce pamphlet, il est menacé et insulté mais décide de rester en Algérie.
Boualem Sansal est lauréat du Grand Prix RTL-Lire 2008 pour son roman "Le village de l'Allemand".


16ème contribution au challenge 1% de la rentrée littéraire



 

mercredi 28 octobre 2015

Le premier jour du reste de ma vie de Virginie Grimaldi


 


Date de parution : janvier 2015 chez City Editions
Nombre de pages : 288

Marie, la quarantaine, 2 enfants adultes, a une façon originale et radicale de quitter son mari et de tourner la page...
Partie pour une croisière "tour du monde" réservée aux personnes seules, elle se lie d'amitié immédiatement avec 2 femmes. Anna, la soixantaine qui ne rêve que de récupérer Dominique son compagnon depuis 40 ans et Camille, 25 ans, peu sûre d'elle qui veut collectionner les aventures pendant ce voyage pour s'entrainer...
Ce livre sur le parcours de ces 3 femmes à un tournant de leur vie est très plaisant avec des chapitres courts qui s'enchainent bien.
J'ai beaucoup aimé cette belle amitié inter générationnelle, elles sont toutes les trois irrésistibles et vivent trois mois de croisière riches en péripéties (auxquelles on croit sans problème) et en fous rires. Les personnages secondaires sont aussi très attachants.
Une foule de sentiments sont développés sans aucune guimauve. De la fraîcheur, de la sensibilité... Beau coup d'essai pour un premier roman et ... comme les chansons de Goldman sont magnifiques.


Citations
"Son cœur, Marie compte bien le garder pour elle. La dernière fois qu'elle l'a confié à quelqu'un, il le lui a rendu en mauvais état. Elle en a déduit que les gens ne faisaient pas attention à ce qui ne leur appartenait pas et l'a mis à l'abri dans du papier bulle."

"Elle avait envie de l'insulter, de le mordre, de lui cracher au visage, de lui faire payer son abus de supériorité physique. Mais rien n'est sorti. Elle est restée impassible. Les habitudes sont longues à perdre." 

mardi 27 octobre 2015

Le vieux qui lisait des romans d'amour de Luis Sepúlveda lu par Féodor Atkine



Date de parution : 1997
Durée de l'audiolivre : 3h20

Prix Relay des voyageurs 1992

Voyage aux portes de la forêt amazonienne. 

Antonio José Bolivar vit dans la montagne, son couple souffrant d'infertilité, il quitte avec sa femme leur montagne pour l'île El Idilio pour devenir un colon. L'île devient vite un enfer vert où rien ne pousse et où sa femme succombe à la malaria.

Des indigènes, les Indiens Shuars, le sauve d'une très grave morsure de serpent. Il vit alors de la chasse dans la forêt avec les shuars, il devient "comme un shuar sans être vraiment un des leurs".
Mais la "peste des aventuriers et des chercheurs d'or en quête d'un Eldorado" se développe et pousse les shuars à se déplacer. Peu de temps après, Antonio doit les quitter pour ne pas avoir agi conformément à leurs coutumes.

De retour à El Idilio, il découvre qu'il sait lire, c'est pour lui "l'antidote contre le redoutable venin de la vieillesse".
Il aime les histoires d'amour tristes avec des personnages qui souffrent et avec une happy end. Il vit là partagé entre la chasse et sa passion pour les romans d'amour. Il connaît parfaitement la forêt amazonienne et respecte les animaux qui la peuplent.
Un jour lorsque des Indiens Shuars accostent sur l'île avec à bord le cadavre d'un homme blond atrocement mutilé le village s'affole. Antonio José Bolivar diagnostique dans cette mort non pas la main de l'homme mais la griffe d'un fauve. Le vieil homme se voit bientôt contraint de se lancer dans une chasse de tous les dangers. Il est le seul à pouvoir chasser le félin tueur d'hommes.

Avec le récit de ce drame, Luis Sepúlveda délivre un message écologiste fort. C'est un livre empreint d'humanité et d'amour pour cette terre qui souffre de sa colonisation par l'homme.

Luis Sepúlveda nous offre un magnifique voyage en Amazonie, région qu'il connaît bien pour y avoir vécu, le tout servi par la voix chaude et musicale de Féodor Atkine.


Citations
"Il savait lire.Ce fut la découverte la plus importante de sa vie. Il savait lire. Il possédait l'antidote contre le redoutable venin de la vieillesse. Il savait lire. Mais il n'avait rien à lire."


"C'était l'amour pur, sans autre finalité que l'amour pour l'amour. Sans possession et sans jalousie."


L'auteur
Luis Sepúlveda est un écrivain chilien né en 1949.
Son premier roman, "Le Vieux qui lisait des romans d'amour", traduit en trente-cinq langues et adapté au grand écran en 2001, lui a apporté une renommée internationale.
Son œuvre est fortement marquée par l'engagement politique et écologique ainsi que par la répression des dictatures des années 70.
En 1975, il finit par être emprisonné et condamné à 28 ans de prison. Il sera libéré des geôles de Pinochet grâce à l'intervention d'Amnesty International, sa peine est commuée en 8 ans d'exil. Il en profite pour voyager en Amérique du sud (Equateur, Pérou, Colombie, Nicaragua) et devient reporter.
Il part ensuite pour Europe, devient très actif au sein de l'organisation Greenpeace, milite pour la Fédération Internationale des Droits de l'Homme.
Au talent d'écrivain s'ajoutent ses engagements politiques contre les séquelles laissées en Amérique du Sud par les dictatures militaires, en faveur de l'écologie militante, des peuples premiers





Féodor Atkine est un acteur français d'origine russo-polonaise né en 1948. Interprète à l'écran de nombreux rôles secondaires, il est également très actif dans le doublage.


















lundi 26 octobre 2015

Amours de Léonor de Recondo


Date de parution : janvier 2015 chez Sabine Wespieser
Nombre de pages : 280

Grand prix-RTL-Lire 2015
Prix des libraires 2015

C'est une histoire d'amour impossible entre deux femmes.
Nous sommes en 1908, dans un village de province, dans une maison bourgeoise.
Victoire est mariée depuis 5 ans avec Anselme, un notaire qui régulièrement viole leur domestique Céleste, 17 ans.
Victoire va découvrir l'amour avec Céleste, sa bonne. Elle découvre son propre corps, devient une femme libre, moderne, libérée des carcans (elle va même jusqu'à brûler ses corsets...). Elle, si effacée, soumise, voit sa personnalité s'affirmer.
Ce livre parle de la condition des femmes à cette époque, qu'elles soient bourgeoises ou servantes, du poids des conventions, du poids de la religion et de la morale.
A la fin du livre, l'auteure nous laisse avec cette question : quel avenir pour Victoire, pour son couple avec Anselme?
Avec des phrases courtes et directes, l'auteure nous livre un roman qui parle d'amour maternel, de filiation, de foi et de secrets de famille. C'est très, très bien écrit et vivant.
Très beau roman...


Citations
"De la vie, on ne garde que quelques étreintes fugaces et la lumière d'un paysage."

"Dans le vestibule qui le mène à son étude, Anselme croise Céleste, qui baisse aussitôt les yeux. Il ne la salue pas, elle n'existe pas. La bonne ne prend vie que de brefs instants. Tous les trois mois environ, quand une envie irrépressible le pousse à monter quatre à quatre les escaliers jusqu'à la petite chambre, jusqu'au petit lit en fer, pour serrer et tirer le chignon jusqu'à en jouir."

dimanche 25 octobre 2015

Cette nuit la mer est noire de Florence Arthaud






Date de parution : mars 2015 chez Flammarion
Nombre de pages : 192


Florence Arthaud nous fait le récit de son chavirage en octobre 2011 alors qu'elle naviguait seule au large du Cap Corse. A quinze milles des côtes dans une eau à 16 degrés elle connait la peur, la terreur et voit la mort arriver.
Elle nous livre aussi ses souvenirs, son enfance de garçon manqué élevée par des parents qui ne lui laisse pas la même liberté qu'à ses deux frères, ses premiers contacts avec la mer et la navigation, elle nous parle de ses copains marins, de sa victoire dans la Route du Rhum en 1990, de ses amis marins disparus.
Les pages sur son frère ainé qui s'est donné la mort en 2001 sont sobres, pudiques et très belles. Elle termine son livre par un très bel hommage à son père.
Si Florence Arthaud a un talent incontestable de marin on ne peut pas dire qu'elle ait un talent d'écrivain... Son livre se résume à des phrases minimalistes et très peu recherchées.
Malgré tout, le récit est intéressant et nous confirme que cette femme passionnée avait vraiment un tempérament hors du commun. Ses propos sur la mort sont forts et ne peuvent que nous troubler maintenant qu'elle a disparu.
C'est un livre très (trop?) vite lu...


Citations
"Depuis la nuit des temps, des millions de femmes ont rêvé la liberté que j’ai vécue. Depuis des siècles, elles ont donné leur vie pour leurs bourreaux, que ces bourreaux aient eu le visage de l’époux, de la loi, des traditions. Si par mon exemple, elles peuvent se dire « oui, moi aussi, je veux exister ! », j’aurai réussi ma vie."

"Ce verrou posé sur ma jeunesse, je l'ai fait sauter d'un coup. La jeune captive des modes de vie bourgeois est devenue une sauvage qu'aucun homme ni aucune loi ne pourrait plus jamais réprimer."

samedi 24 octobre 2015

Soudain, seuls d'Isabelle Autissier


Date de parution : mai 2015 chez Stock
Nombre de pages : 248

Louise, contrôleuse fiscale, est passionnée d'alpinisme. Avec son compagnon Ludovic, chargé de communication, ils  sont partis faire le tour du monde en voilier. Une tempête les contraint à aborder sur une île déserte...

C'est une île sauvage, interdite. Aujourd'hui réserve naturelle, c'est une ancienne base pour la chasse baleinière et phoquière. Seulement peuplée de manchots, d'otaries et d'éléphants de mer, elle est constituée d'une succession de baies séparées de glaciers infranchissables sur 150 kms de long et 30 kms de large. 

Une vie de Robinson commence alors pour eux, une vie principalement dédiée à la recherche de la nourriture. Ils vont se nourrir de plantes sauvages et de la chair des manchots. Leur vie s'écoule au jour le jour, entre chasse, pêche, entretien du feu, façonnage d'outils, corvée d'eau, fabrication de lampes à huile, et aménagement de leur abri pour affronter l'hiver. Pour tenir, ils structurent leur temps, fixent des règles et des rituels.

Louise est prudente de tempérament, Ludovic plutôt impétueux. De caractères très différents, ils vont appréhender différemment les choses  et en venir aux querelles, reproches, et parfois se laisser envahir par la colère ou par des accès de haine.

Un sujet qui aurait pu être intéressant mais qui m'a vite lassée, j'ai eu l'impression d'être dans un épisode de Koh Lanta sans intérêt et je n'ai pas réussi à terminer ce roman par ailleurs bien écrit.


Citations 
"Ils ne sont pas seulement abandonnés sans feu ni lieu, ils sont condamnés l'un à l'autre, l'un avec l'autre, ou l'un contre l'autre. Quel couple résisterait à ce genre d'enfermement ?"

"Comment est-il possible, à l'heure d'Internet, quand chacun est localisé, suivi, fiché, qu'ils puissent être si isolés, si seuls ? Comment une parcelle de la planète peut-elle y échapper si totalement ?"


L'auteur
Isabelle Autissier est une navigatrice française née en 1956.
Ingénieur agronome, chercheuse et enseignante, elle réalise l'exploit d'être la première femme à faire un tour du monde en course en 1991. Elle abandonne alors l'enseignement pour se consacrer entièrement à la course au large.

En 1999 elle décide d'abandonner les courses en solitaire mais continue néanmoins quelques courses en équipage.

Isabelle Autissier s'est également tournée vers l'écriture. Après plusieurs récits, essais, ainsi qu'un livret d'opéra, elle publie en 2009 son premier roman, "Seule la mer s'en souviendra", l'histoire d'une supercherie en mer inspirée d'un fait réel.
 



vendredi 23 octobre 2015

Ce sont des choses qui arrivent de Pauline Dreyfus


Date de parution : août 2014 chez Grasset
Nombre de pages : 234

Beau coup de cœur!!!
Le roman commence par l'enterrement en 1945, de Natalie, emportée officiellement par une embolie pulmonaire.
Natalie, princesse de la Maison de France, de la branche des bourbons, descend du duc de Berry, son mari Jérôme descend de Napoléon.
En juin 40, alors que s'installe le régime de Vichy avec Pétain, Natalie, Jérôme et leur fille partent en villégiature à Cannes, la population française est quant à elle en plein exode.
A Paris ils menaient une vie oisive, voyageant au gré des saisons et des fêtes. Natalie vivait dans un tourbillon mondain, de bals en bals. A Cannes, elle trompe son ennui en jouant au casino.
Natalie a un mépris des conventions et des convenances et un fort esprit de contradictions.
Elle se retrouve enceinte d'un amant de passage, "ce sont des choses qui arrivent" pense-t-elle, "ce sont des choses qui arrivent" lui dit son mari qui sait qu'il n'est pas le père.
A la mort de sa mère elle apprend par sa sœur que son père n'est pas son père, elle se découvre bâtarde et demie juive, "ce sont des choses qui arrivent" lui disent ses sœurs...
Cette jeune femme jusqu'ici frivole et superficielle, commence alors à se torturer, à s'interroger...Comment reconnaître la race juive? Elle en recherche les signes sur son visage, compare ses comportements à ceux considérés comme caractéristiques des juifs (le goût de l'argent, l'avarice...). Elle, jusqu'à présent indifférente à la guerre, se demande ce que deviennent les juifs une fois qu'ils ont été arrêtés. Complètement déstabilisée, elle oscille entre solidarité et rejet et va jusqu'à coudre, un jour, une étoile jaune sur une de ses robes. Peu à peu, elle va devenir dépendante à la morphine. 

J'ai été immédiatement happée par cette histoire de secrets de famille où l'on côtoie également Cocteau, Gérard Philipe, Proust, Arletty, Guitry, Chanel, Giraudoux, Karajan...
L'auteure décrit avec beaucoup d'ironie ce monde de l'aristocratie pétri de préjugés, de principes, empreint de snobisme. 
L'écriture est très belle. Je conseille fortement la lecture de ce très beau roman. 


Citations
"La préfecture de police est débordée. Chaque jour, les sacs de jute apportés par les facteurs vomissent leurs mille cinq cents enveloppes. Écrites en pattes de mouche ou en élégantes lettres anglaises, signées « Une Aryenne indignée » ou « Des voisins inquiets », ces lettres anonymes dénoncent en vrac les francs-maçons, les trafiquants du marché noir et bien sûr les juifs." 

"Chère petite maman, je vous promets d'être courageuse comme vous me l'avez appris et à ne pas pleurer devant les autres. Mais je voulais savoir : qu'est-ce qu'on leur fait aux juifs, quand on les arrête?"

jeudi 22 octobre 2015

Ce qui reste de nos vies de Zeruya Shalev


 

Date de parution : septembre 2014

Prix Fémina Etranger 2014

Magnifique prix Fémina étranger 2014.
Hemda arrive à la fin de sa vie, elle divague et se remémore son enfance entre une mère absente et un père qui lui donne une éducation très dure, elle parle de "cruelle sévérité". Elle pense à ses enfants qu'elle n'a pas su aimer, sa fille Dina, née au moment du décès de son père, qu'elle a délaissée et même repoussée et son fils Avner, avec qui elle s'est montrée possessive et surprotectrice. Mais, même à l'heure de sa mort, son esprit est envahi par ses parents et non par ses enfants, trop préoccupée qu'elle est par ses parents pour pouvoir faire une place à ses enfants.
Ses 2 enfants sont malheureux. Avner, avocat de gauche qui défend Bédouins et Palestiniens, est mal marié, il est incapable d'aimer son fils aîné. Dina n'a plus de goût à la vie depuis qu'elle se sent vieillir et qu'elle voir sa fille unique s'éloigner, son seul espoir est d'adopter un enfant, une idée qui devient une obsession, malgré l’opposition de son mari.
Les personnages secondaires sont intéressants également : Rachel la garde malade qui a du faire adopter son fils, le pêcheur qui a perdu sa femme lors de l'accouchement de leur premier enfant, Anati la stagiaire d'Avner.
Ce livre parle des couples, des relations parents-enfants, de la reproduction des erreurs : Hemda n’a pas assez aimé sa fille, elle a trop aimé son fils, elle a échoué avec les deux qui, à leur tour, reproduisent ses erreurs.
Mais confrontés à la fin proche de leur mère, l'heure est au bilan et c’est le moment où ils commencent à penser au reste de leur vie, et chacun d’eux se bat pour la changer. Et même Hemda, qui va mourir, ressent le besoin de changer, la manière dont elle encourage Dina à adopter, alors que tout le monde lui dit qu’elle est folle, est le plus beau cadeau qu’elle puisse lui faire.
En toile de fond de cette histoire, on découvre la société israélienne, la vie en kibboutz (l'auteure n'est pas tendre....), le conflit israélo-palestinien avec insécurité et attentats.
Ce livre, au début, est pesant car d'une tristesse infinie; il ne faut surtout pas s'arrêter à ça car la suite est magnifique.

C'est un livre sur l’espoir et la réconciliation, sur l’idée qu’il n’est jamais trop tard pour corriger ou recommencer. La fin est très belle.
Livre dense et poignant porté par une magnifique écriture envoutante même si j'ai trouvé la lecture par moments difficile ou plutôt exigeante.

mercredi 21 octobre 2015

Un homme dangereux d'Emilie Frèche



Date de parution : août 2015 chez Stock
Nombre de pages : 288


Le pouvoir des mots

Emilie, la trentaine, écrivain en pleine ascension, est heureuse avec son mari et ses deux enfants, son amant compense l'abstinence sexuelle qui s'est installée dans son couple depuis 10 ans.
En quelques jours, elle va tomber sous l'emprise de Benoit Parent, 60 ans, écrivain plutôt sur le déclin. Une terrifiante dépendance affective s'installe immédiatement. Il lui envoie une multitude textos par jour auxquels elle ne peut résister comme une ado amoureuse, y répondant même en présence de sa famille. Il la bombarde littéralement de mots, c'est son seul moyen de séduction, en effet leur histoire reste platonique, il semble impuissant....
On comprend très rapidement que cet homme est un manipulateur, après une phase de séduction il passe à la phase de destruction. C'est un pervers narcissique.

Emilie a l'antisémitisme pour combat et Benoit est antisémite. Elle ne comprend pas comment elle a pu seulement regarder cet homme...

Le comportement d'Emilie peut parfois nous paraitre incompréhensible tellement elle plonge dans une soumission totale perdant tout libre arbitre, c'est une vraie addiction, elle est prête à "tout fourre en l'air" pour lui.

Lorsque elle se rend enfin compte de la nocivité de cet homme, de l'emprise qu'il a sur elle, elle le nomme "cancer" et demande de l'aide à son mari Adam. Elle réalise que cette histoire risque de la conduire à la fin de son mariage mais aussi à la négation de sa judaïté.

Le livre bascule dans sa deuxième partie quand Emilie, pour sauver son mariage, décide d'utiliser l'écriture comme arme contre lui. Elle imagine écrire sur la passion amoureuse vécue par son double romanesque, pour cela elle le revoit pour les besoins du livre, pour récolter la matière nécessaire à son écriture. Il devient pour elle un personnage du roman qu'elle écrit, elle se sert de lui... Elle va, comme lui, manier les mots comme des armes.

Dans ce roman, Emilie Frèche nous livre de très beaux passages sur l'usure du couple, sur l'ennui conjugal, la disparition du désir et la disponibilité pour une autre histoire.
Dans ce livre écrit à la première personne, la narratrice se confond beaucoup avec l'auteur (livres sur Ilan Halimi), comme si elle voulait à son tour manipuler le lecteur.

J'ai trouvé amusantes les analogies avec le livre de Delphine de Vigan, notamment quand on voit qu'Emilie ne parvient plus à écrire après avoir écrit un livre sur son père. Les deux livres ont pour thème principal l'emprise.

Par contre, ce que j'ai trouvé gênant dans ce roman, c'est que Benoit serait Patrick Besson, Emilie Frèche donne au lecteur des indices pour le reconnaitre, d'autant plus gênant que Benoit est antisémite ce qui peut laisser entendre que Patrick Besson l'est également, or l'antisémitisme est un délit. On frôle là l'indécence, si c'est un règlement de comptes, je n'aime pas bien le procédé...

Ce roman est un thriller psychologique très efficace, hypnotisant, qui nous secoue, l'auteur sait parfaitement entretenir le suspense. Elle nous montre comment on peut casser quelqu'un avec des mots. L'écriture est agréable et fluide sans être originale.


Citations
"Il n'y a pas de violence plus grande que d'aller fouiller en soi. Non, pas de violence plus grande."

"C'était le problème lorsqu'on écrivait sur soi. Après, on ne pouvait plus jouer à rien. Les gens vous avaient lu, ils connaissaient votre ADN." 


L'auteur


Emilie Frèche, titulaire d'un DEA de philosophie politique, est née en 1976, c'est une romancière et cinéaste française.
Elle est l’auteur de romans et de deux documents autour de la mort d’Ilan Halimi : "La Mort d’un pote" et avec Ruth Halimi, "24 jours: La vérité sur la mort d’Ilan Halimi"
Emilie Frèche est également scénariste.






C'est Eva qui m'a donné envie de lire ce roman, par contre  des pages et des iles n'a pas du tout aimé.

15ème contribution au Challenge 1% Rentrée Littéraire 2015

mardi 20 octobre 2015

Un an après d'Anne Wiazemsky




Date de parution : janvier 2015 chez Gallimard
Nombre de page : 241 
L'auteure, petite fille de François Mauriac, est actrice et l'épouse de Godard, elle a 20 ans en mai 68, lui 37.
Habitant dans le quartier latin , elle se pose en témoin privilégiée de cette période et nous fait vivre de l'intérieur les évènements de mai 68, notamment la nuit du 10 au 11 mai avec les barricades, les charges des forces de police, les courses pour s'enfuir, la peur... ainsi que l'interruption du festival de Cannes dans laquelle Godard est impliqué.
Au fil des pages on croise Truffaud, les Beatles, les Stones filmés par Godard en pleine création lors d'un enregistrement, Cohn Bendit ami de l'auteure...
On voit que les attentes des jeunes envers Godard, considéré comme une personne publique qui doit les guider, le déstabilise. Quel rôle jouer dans ces luttes ouvrières, ces révoltes des étudiants? Il veut changer le cinéma, parle de l'abandonner... Il veut se mettre au service d'une cause, d'un groupe, s'engager politiquement...
Elle, à 20 ans, est moins impliquée dans les évènements, insouciante, circulant en patins à roulettes sur les trottoirs de Paris.
On découvre le caractère entier d'un Godard exalté, tourmenté. Par son comportement imprévisible et excessif, il arrive à se brouiller avec son ami de toujours Truffaut et à s'éloigner de Berlusconi.
Il a parfois un comportement odieux avec elle, avec leurs amis. On le sent perdu mais si fragile donc attachant avec une sensibilité à fleur de peau.
Il n'a pas du être facile pour elle de s'affirmer face à lui et de supporter ses sautes d'humeur, son caractère possessif, égoïste et ses accès d'extrême jalousie.
On sent Godard tiraillé entre ses idées de gauche, sa conception de la liberté des femmes issue de mai 68 et l'impossibilité qu'il a de mettre ces principes en pratique dans ses relations avec sa propre femme. Il veut la maintenir sous sa coupe et a du mal à accepter ses aspirations professionnelles .
Grâce à ce livre sympathique et bien écrit, j'ai aimé me replonger dans cette période si particulière de notre histoire et retrouver l'esprit de 68.
J'ai trouvé que l'auteure parle de son histoire avec Godard sans aucune impudeur. 


Citations
"Parfois, des fumées m’empêchaient de distinguer qui attaquait qui. Nous apprendrions plus tard qu’il s’agissait de gaz lacrymogènes. Le téléphone sonna. C’était Jean-Luc, très inquiet, qui craignait que je n’aie pas eu le temps de regagner notre appartement. «Écoute Europe numéro 1, ça barde au Quartier latin !» Nous étions le 3 mai 1968.»

« Notre séparation définitive prit plus d'un an, presque deux. Cela fut extrêmement douloureux pour lui comme pour moi, même si l'initiative semble me revenir. La fin malheureuse de notre histoire devint banale et privée, je cessai d'être un témoin privilégié de l'époque. Je ne l'écrirai pas."

lundi 19 octobre 2015

Où on va, papa ? de Jean-Louis Fournier

 

Date de parution : août 2008 chez Stock
Nombre de pages : 150
Prix Fémina 2008

Jean-Louis Fournier nous parle de ses deux enfants handicapés, Mathieu et Thomas, de leur vie quotidienne, des malheurs, des déceptions, des projets d'avenir réduits à néant, de sa femme qui le quitte. On pourrait penser que l'auteur se précipite dans le gouffre du mélodrame, mais non...ce livre est une violente gifle...

Dans ce récit aux brefs chapitres et courtes scènes débordant d'anecdotes, Jean-Louis Fournier décrit à la fois sa culpabilité (" Pardon de vous avoir loupés" ) et ses remords ("ne pas les avoir conduits au musée, au concert " ). Il veut briser l'image des parents "malheureux" des handicapés : "Un père d'enfants handicapés n'a plus le droit de rire, ce serait du plus parfait mauvais goût.", ou encore cette obligation d'avoir "le physique de l'emploi, de prendre l'air malheureux.".

Jean-Louis Fournier fait preuve de beaucoup d'humour assumé jusqu'au bout pour ses deux fils handicapés, " la tête pleine de paille " . Il utilise cet humour noir comme une carapace, pour mieux gérer ses douleurs, en prenant de la distance. Cependant, il ne cherche pas à se plaindre, bien au contraire. Il dédramatise la situation et "ôte" la pitié que l'on peut parfois éprouver pour les handicapés.

Ces vérités, comme nos peurs face au handicap, ces propos très directs, d'une totale franchise, exprimés si simplement, peuvent nous surprendre et montrent son incroyable cran, son courage et son talent. Il est capable d'exposer les sentiments les plus complexes et les plus confus.

Belle leçon de vie que ce livre où rien n'est pessimiste. C'est simple. Drôle. Émouvant.
En parlant de ses enfants avec tendresse, regret et humour, oui, humour....Jean-Louis Fournier m'a appris que l'on pouvait rire de tout : de soi, des handicapés, du regard des gens.

dimanche 18 octobre 2015

Je viens d'Emmanuelle Bayamack-Tam




Date de parution :  janvier 2015 chez P.O.L.
Nombre de pages : 464

J'ai été happée d'emblée par cette histoire qui se déroule de nos jours à Marseille. Elle commence très fort par la tentative de restitution à la DDASS de Charonne par ses parents adoptifs parce qu'elle est noire et grosse, c'est une petite fille âgée de 6 ans qu'ils ont adoptée un an plus tôt.
Charonne vit avec ses parents qui se montrent indifférents à son sort, ils sont adeptes de la méditation et du dénuement et passent 6 mois de l'année loin d'elle au Bhoutan. Vivent également dans la même maison son grand père qui sombre dans la démence et sa grand mère qui parvient finalement à finir par l'aimer.
L'originalité de ce livre tient dans la façon dont l'histoire de cette famille est racontée. Charonne puis Nelly et enfin Gladys racontent leurs vécus, leurs ressentis. Ce procédé est intéressant car on attend avec impatience de savoir dans la partie suivante comment les autres membres de cette famille ont vécu les événements évoqués et l'on découvre peu à peu quelques vérités et les différents enchainements qui ont conduit cette famille dans l'impasse dans laquelle ils se trouvent tous.
Au cœur de ce roman on trouve le racisme absolu, les ravages de la vieillesse décrits de façon très réaliste par Nelly, le racisme anti gros, la filiation, l'adoption, l'enfant imaginaire, le narcissisme et la frivolité.
J'ai trouvé l'écriture assez ordinaire mais agréable.
Par contre, contrairement à d'autres je n'ai pas trouvé ce roman comique, je dirai plutôt qu'il est écrit sur un ton léger, humoristique, seule la description de sa nuit de noces par Nelly est vraiment hilarante.
J'ai été touchée par le vécu de Gladys qui s'est sentie éclipsée et spoliée toute sa vie. Remplie de haine, elle n'a pas su aimer les gens, elle n'a pas su vivre tout simplement. On est ému par sa grande souffrance due au manque d'attention et d'amour de ses parents qu'elle appelle "parents de pacotille". Jalouse de l'amour que sa mère a porté à sa fille, elle continue des années après son adoption à la nommer "ma fille qui n'est pas ma fille",
C'est une histoire de non dits, de rancœurs larvées très prenante.


 
 Citations 
"Je transpire. C’est ce qui arrive fréquemment aux petites filles quand elles sont grosses et noires – et nous touchons là au principal motif de déception de mes parents, même si la tête sur le billot ils n’en conviendraient pas : je suis noire. Des gens plus avertis s’en seraient aperçus tout de suite, mais voilà, au moment de mon adoption, j’étais plutôt d’une pâleur olivâtre due au confinement hivernal. Comme par ailleurs j’ai toujours eu des taches de rousseur, je pouvais tout à fait passer pour blanche. Si vous ajoutez à ça le tressage quotidien de ma chevelure par une éducatrice capverdienne, vous comprendrez pourquoi mes parents sont aujourd’hui estomaqués par ma métamorphose, ce vilain tour de passe-passe qui a transformé leur miniature ivoirine en une créature boulotte, basanée et crépue."

"L'un des grands avantages de la négligence parentale, c'est qu'elle habitue les enfants à se tenir pour négligeables. Une fois adultes, ils auront pris le pli et seront d'un commerce aisé, faciles à satisfaire, contents d'un rien." 

samedi 17 octobre 2015

Un papa de sang de Jean Hatzfeld


Date de parution: août 2015 chez Gallimard
Nombre de pages : 272

Un génocide en héritage

Comment vit-on en étant enfant d'un papa tueur ou enfant d'un papa victime, comment vit-on avec une maman traumatisée et comment parvient-on à vivre ensemble, enfants de tueurs et enfants de victimes?  

Jean Hatzfeld a construit son récit à partir des témoignages de jeunes de 16 à 23 ans, habitants d'un village Nyamata du Rwanda qu'il connait bien depuis des années. Il a écrit plusieurs ouvrages sur le Rwanda, c'est la première fois qu'il donne la parole aux enfants de ceux qui ont été soit tueurs (à la machette..), soit victimes lors du génocide de 1994 qui a vu deux ethnies s'affronter. En un mois, dans ce village, 50 000 des 58 000 Tutsi ont été massacrés dans les marais par les Hutus.

Ces jeunes parlent de "parents coupés", "d'enfance gênée", "de racines qui se sont nouées dans l'angoisse ". Ils évoquent les insultes reçues sur le chemin de l'école, les viols perpétrés pendant le génocide, viols dont certains d'entre eux sont issus.
Certains parlent de leurs parents qui se sont réfugiés dans l'alcool, qui négligent leurs enfants, des souvenirs et de l'angoisse qui resurgissent en particulier lors de la Semaine de deuil, du refuge qu'eux-mêmes peuvent trouver dans la religion ou de la perte de la foi de certains d'entre eux, de la perte de grands-parents qui les prive d'une partie de leur histoire...

On comprend les questions que ces jeunes se posent, questions qu'ils ne parviennent souvent que difficilement à poser à leurs parents. On voit comme, autant dans une famille tutsi la parole est possible, autant dans une famille hutu le mensonge ou le silence règne.
Les familles tutsies ont pour souci de transmettre leur histoire à la génération de leurs enfants et oscillent entre idées de vengeance et pardon. Les familles hutus doivent parfois vivre avec le rejet de leur propre famille et de leurs amis et, de façon générale, souffrent du regard portés sur eux et éprouvent de la honte.
Les enfants des deux camps se côtoient notamment à l'école mais la méfiance persiste entre eux malgré la politique de réconciliation nationale.

A noter le respect absolu de ces jeunes pour leurs parents, leur reconnaissance de leur avoir fait don de la vie, aucun ne juge ses parents, il n'y a aucune haine envers leurs parents bourreaux mais pas de déni non plus. Il est surprenant de voir qu'ils ne sont pas capables d'avoir un regard critique ou réprobateur sur leurs parents. Il est par contre rassurant de voir qu'ils parviennent, malgré ce terrible héritage, à se projeter dans l'avenir.

Jean Hatzfeld restitue à merveille la langue magnifique, précise et très imagée des rwandais, il y mêle sa propre voix pour introduire chaque témoignage.

C'est un livre dur, bien entendu, par son sujet mais il y a peu de descriptions de scènes de massacre qui rendraient le récit insoutenable. Seule l'évocation du meurtre d'Ernestine est épouvantable.

Ce que j'ai trouvé vraiment très intéressant dans cet ouvrage c'est bien entendu l'histoire mais également la très belle musique de la langue française du Rwanda qui contribue à nous plonger dans leur univers, dans leur vie quotidienne faite de travail et de solidarité.
Un livre à lire absolument. 


Citations
"On peut quand même se demander comment Dieu si bon et tout-puissant a fermé l'œil sur pareilles tueries."

"Moi, je me rendais au pénitencier de Rilima chaque mois. C'était une affaire de cinq heures de vélo à aller, les bousculades limitaient les conversations avec le papa à cinq minutes. On s'échangeait des mots timides et de courtes nouvelles."

"Toute personne civilisée doit endosser ses actes individuels. Cependant, la vie vous propose parfois des actes que l'on ne peut endosser à haute voix." 


L'auteur


Journaliste et écrivain français né en 1949, Jean Hatzfeld s'est inspiré de longues années de reportage ou de correspondance de guerre pour écrire plusieurs romans et récits. Reporter au Rwanda peu après le génocide et plus précisément sur les collines de Nyamata, il a publié plusieurs livres sur le Rwanda, récompensés par différents prix, notamment le prix Médicis 2007 pour "La stratégie des antilopes".





14ème contribution au Challenge 1% Rentrée Littéraire 2015







vendredi 16 octobre 2015

Un avion sans elle de Michel Bussi

 

Date de parution : 2012 aux Presses de la Cité
Nombre de pages : 532

Prix des Maisons de la presse 2012

Autour de la lutte de deux familles pour la reconnaissance d’un enfant, ce policier hors-norme se caractérise par l’atmosphère de cette enquête infernale et par la manière de faire coïncider passé et présent.

Ce livre est aussi l'occasion d'une enquête sociale, la psychologie si différente de ces deux familles que tout oppose est au centre du roman.

Tout contribue à faire de ce livre un roman policier savoureux et surprenant jusque dans ses dernières pages.

Un très bon moment de lecture. 


Citations
"Pour la première fois, je me rendais compte que continuer de travailler sur cette affaire, pour les Carville, pendant des années de ma vie, c’était perdre ces années…ainsi que toutes celles qui me resteraient ensuite. J’ai continué, pourtant." 

"On prétend que pour les détectives privés, les affaires d'adultères, c'est la corvée, l'alimentaire, la lie du métier... Foutaises ! Si l'on veut être sincère, entrer par effraction dans la vie sexuelle des clients, cela reste l'un des bons côtés du métier."


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