lundi 10 avril 2017

L'abandon des prétentions de Blandine Rinkel

 


Date de parution : janvier 2017 chez Fayard
Nombre de pages : 248

"Qu'est-ce qu'une vie réussie?"

Blandine Rinkel nous brosse ici le portrait intime de sa mère Jeanine.
Jeanine, femme brune et ronde de 65 ans, vit seule depuis le départ simultané de sa fille et de son mari. Professeur d'anglais retraitée, elle habite dans une banlieue sans grand intérêt près de Nantes.

Jeanine note ses pensées, des phrases attrapées au vol, des citations sur des post it roses qui ornent son frigo, les portes de placards de sa cuisine...
C'est une femme curieuse qui aime aller à la rencontre des gens "aimantée par tous les étrangers qu'elle croise." Pour découvrir le monde elle s'est depuis toujours intéressée aux individus étrangers à son monde, elle maîtrise de nombreuses langues et "aime fantasmer la vie des autres"
Elle a toujours fait preuve d'empathie pour les marginaux et le jour où elle a arrêté ses voyages à la rencontre des autres elle a transformé sa cuisine en "un lieu d'écoute sociale, en une salle des confidences." Sa porte est toujours ouverte pour accueillir autour d'un verre de cidre toutes sortes d'individus, émigrés, réfugiés... A une période elle va même jusqu'à héberger des ex-détenus.

C'est une femme généreuse qui économise pour pouvoir donner, avec" une générosité naturelle sans orgueil ni attente" elle va au secours de ceux qu'elle sent en difficulté mais n'aime pas par contre qu'on lui demande de l'aide.

Au fil du récit on découvre les failles de cette femme qui, issue d'un milieu rural et pauvre, a abandonné très vite ses prétentions de réussite et de reconnaissance sociale et a toujours souffert d'un gros manque de confiance en elle. "Contre la tyrannie des ambitions, elle a préféré affiner sa part sensible", c'est donc le portrait d’une mère "empêchée" que nous livre Blandine Rinkel.

Avec ses 65 courts chapitres qui reprennent des fragments de vie de sa mère, le récit est dynamique et vif porté par une bien jolie écriture. Blandine Rinkel nous fait découvrir une femme à la personnalité très attachante, insatiable de rencontres et de partage.  
J'ai aimé cette femme aux belles qualités, j'ai aimé son humour, sa fantaisie mais j'ai aussi aimé la façon qu'a eue sa fille de s'approcher tendrement de ses forces et des faiblesses.
Elle analyse avec pudeur ce qui a un temps rapprocher ses parents si différents avant de les séparer, elle pointe ce qu'elle doit à sa mère dans la femme qu'elle est devenue et n'hésite pas à évoquer son agacement face à la sainteté de sa mère.
Blandine Rinkel a su trouver la juste distance pour brosser avec beaucoup de finesse ce portrait que j'ai trouvé juste, doux, grave et tendre.

Ce roman est en lice pour le Goncourt du premier roman avec Marx et la poupée de Maryam Madjidi, Un collectionneur allemand de Manuel Benguigui et Looping d'Alexia Stresi. Il fait également partie de la sélection du prix Orange du livre.


Merci à NetGalley et aux éditions Fayard pour cette lecture.







Citations
"Comme les meilleurs plats naissent de l'alliance d'ingrédients contradictoires, les meilleures pensées n'émanent jamais que de l'accointance de lexiques divers."

L'auteure
Née en 1991, Blandine Rinkel écrit pour divers médias (Le matricule des anges, France Inter,  Citizen K, Gonzai…) et collabore au mouvement Catastrophe. 
"L’abandon des prétentions" est son premier roman.




28ème contribution au Challenge Rentrée Hiver 2017 organisé par Laure de MicMelo
 

6 commentaires:

  1. Qu'est ce que je me suis ennuyée avec cette lecture...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. On ne peut pas toujours être d'accord... Les différents ressentis font toute la richesse de nos lectures croisées.

      Supprimer
  2. Tu me donnes bien envie de lire ce livre,sensible et tout en pudeur (d'autant plus que j'ai appris que Jeanine vit au même endroit que moi, dans cette banlieue nantaise que j'aime beaucoup :-) )

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Une raison de plus pour toi de lire ce roman... même si elle n'est pas très tendre dans sa description de la petite commune où vit Jeanine...

      Supprimer
  3. C'est quitte ou double, ce type de portrait. Mais quand c'est réussi, ce qui semble être le cas, on est souvent submergé par l'émotion.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Tu as raison mais dans ce cas je trouve très intéressante l'approche de Blandine Rinkel et le portrait de sa mère très émouvant.

      Supprimer